Marins d’eau douce: 20 ans de Leader-ship

29/11/2011

Voici 20 ans qu'un navire nommé LEADER a levé l'ancre pour croiser dans les eaux territoriales de la campagne luxembourgeoise. D'accord, c'est un peu lourd comme jeu de mots, mais permettez-moi quand même de constater que le transport d'une cargaison, d'idées surgies dans les bureaux de la "Haute Commission" de Bruxelles, jusqu'aux recoins, jadis si éloignés, de la province de l'Europe profonde, tient de l'art de la navigation, fût-elle des fois à vue. Et cela sans autre motif que celui de nous rapprocher, insulaires de province que nous étions, un peu plus de la terre ferme de l'Union Européenne.

Pour fêter dignement ces deux décennies de périple à travers la grosse mer des instances et les marées de méfiance et de bienveillance, LEADER se propose d'éditer, pour le printemps à venir, une brochure qui vous présentera, sans faire de différence entre capitaine et moussaillon, une partie de cet équipage qui a contribué à ce que l'embarcation parvienne à bon port sans jamais perdre le Nord.

En guise d'échantillon, voici le portrait d'un homme à qui, même s'il ne s'est jamais considéré seul maître à bord, revient le mérite d'avoir, en 1991, largué les amarres.

Jean-Pierre Dichter

Stature svelte, oeil vif et sourire narquois – décidément, cet homme n'a rien du vieux loup de mer aux jurons mythiques que nous connaissons tous. Le surnom de "Monsieur Leader", que lui ont trouvé ses successeurs, lui sied nettement mieux. Jean-Pierre Dichter raconte, avec humour et amour du détail, l'aventure LEADER depuis les premiers pas – pardon, l'appareillage – vers une destinée encore inconnue.

Lorsqu'en 1989, il était question de favoriser le développement rural à travers un programme opérationnel nommé "Programme 5b", prédécesseur de l'initiative LEADER, Jean-Pierre Dichter, à l'époque député-maire de Wiltz, voyait tous ces projets bien intentionnés à travers deux paires de lunettes: celle du politicien censé agir en représentant de ses électeurs et celle du professeur d'enseignement secondaire chargé d'argumenter le bien-fondé de sa matière.

En octobre 1991, le premier partenariat LEADER fut lancé dans les communes autour du Lac de la Haute-Sûre (région Redange-Wiltz). C'était du temps où les habitants des régions rurales, en l'occurrence du nord du pays, se considéraient de toute façon à l'écart des décisions politiques du gouvernement. Que pouvaient-ils dès lors attendre de projets mis en oeuvre quelque part en Europe?

Monsieur Dichter, persuadé que sa région avait grandement besoin d'un coup de pouce pour la sortir de sa léthargie, opta pour une démarche par-Téi vum Séi et Spelz vum Séi: deux projets initiés à travers LEADER. Ici un stand de la région LEADER Redange-Wiltz (en présence des responsables des 2 initiatives), en tant que région invitée sur la foire "Ab Hof" de Wieselburg en Autriche. (février 2000) Conférence européenne du monde rural à Bruxelles en novembre 1997: sur le stand des régions LEADER luxembourgeoises en présence du Commissaire Franz Fischler. Europäische Konferenz des ländlichen Raumes in Brüssel, November 1997: am Stand der luxemburgischen LEADER-Regionen in Gegenwart von Kommissar Franz Fischler. Voici 20 ans qu'un navire nommé LEADER a levé l'ancre pour croiser dans les eaux territoriales de la campagne luxembourgeoise. D'accord, c'est un peu lourd comme jeu de mots, mais permettez-moi quand même de constater que le transport d'une cargaison, d'idées surgies dans les bureaux de la "Haute Commission" de Bruxelles, jusqu'aux recoins, jadis si éloignés, de la province de l'Europe profonde, tient de l'art de la navigation, fût-elle des fois à vue. Et cela sans autre motif que celui de nous rapprocher, insulaires de province que nous étions, un peu plus de la terre ferme de l'Union Européenne. ticipative. Car il savait d'expérience que le meilleur moyen d'atténuer le scepticisme inné des autochtones, c'était de prendre au sérieux leurs soucis et de leur faire comprendre que les décisions ne se prennent pas au-dessus de leurs têtes.

Dès le début, il était clair que, pour favoriser une amélioration de sa vie économique et sociale en Oesling, les moyens mis à disposition par l'Union Européenne devaient être investis dans la matière grise et dans la création d'un partenariat entre toutes les parties concernées. Et surtout, il fallait laisser de côté la "politique politicienne" sous toutes ses formes.

Une des réussites les plus visibles de cette façon de procéder est sans doute la création du Parc naturel de la Haute-Sûre en 1999. Considéré aujourd'hui comme un acquis pour la vie culturelle et la gestion du patrimoine, le Naturpark doit beaucoup à l'énergie et la persévérence "dichteriennes".

Grâce à de telles opérations et à l'accueil plus que favorable qui leur fut accordé, le pari était donc gagné, mais la mission loin d'être accomplie. L'issue encourageante de cette première période LEADER (1991-1995) entraîna une deuxième (1995-2000), toujours axée sur l'innovation (cette fois avec la région Clervaux-Vianden en sus), puis une troisième période (2001-2007), qui vit cinq régions travailler de façon autonome (Redange-Wiltz, Clervaux-Vianden, Mullerthal, Miselerland, Vallées Eisch/Mamer). Et l'aventure continue avec la quatrième en cours (2008-2014).

Si la transparence des procédures et l'enlisement dans un contexte international valorisant représentent les clés de son succès, la particularité de l'esprit LEADER réside, selon Jean-Pierre Dichter, dans la capacité de tenir compte des différents tempéraments des gens qui s'y retrouvent et de contribuer ainsi à l'image d'une Europe à échelle humaine.

Interrogé sur sa personne, l'ancien conseiller de gouvernement au Ministère de l'Agriculture semble avoir du mal à se dissocier lui-même des actions au centre desquelles il s'est trouvé durant sa carrière. Du haut de sa retraite, il passe en revue son parcours professionnel de façon bien sommaire: d'abord enseignant de mathématiques et de physique, ensuite élu aux niveaux communal et national, et puis ce poste au sein du ministère avec, comme domaine de prédilection, bien entendu, le développement rural. Chargé de la coordination nationale des différents programmes LEADER, il décrit son travail comme un long pèlerinage de commune en commune, avec, dans son bagage, son expérience communale, nationale et surtout européenne.

Parmi les nombreux sujets qu'il a traités lors de ses entreprises, un lui tient particulièrement à coeur, celui de la formation continue. Progresser, se développer en permanence, voilà à quoi se résume la force motrice de son propre enthousiasme et de son infatigabilité. Vu sous cet angle, l'habitué des associations et des rencontres à haut niveau s'estime avoir eu beaucoup de chance dans sa vie: "J'ai toujours fait ce que j'avais envie de faire.", affirme-t-il.

Depuis qu'il a fait ses adieux à la vie professionnelle en 2005, au lieu de se reposer sur ses lauriers bien mérités, Jean-Pierre Dichter est pris de bougeotte. Après un long séjour à Malte pour des projets – vous l'aurez deviné – de développement rural, il s'est engagé au sein de l'asbl "Cap-Vert – Espoir et développement", pour laquelle il séjourne régulièrement sur l'archipel au large de l'Afrique.

Comme quoi, malgré les apparences, l'image du capitaine de navire n'était pas si mal choisie.

Sur le lien suivant, vous trouvez de plus amples renseignements sur l'initiative LEADER au Luxembourg: www.leader.lu.

Interview et rédaction par Marc Angel